Sur la légitimité de la fondation de l’État d’Israël

Résumé: La fondation d’Israël fut légitime pour la même raison que la demande des réfugiés en général est légitime: le droit d’une personne de vivre quelque part plutôt que de mourir est prioritaire sur le droit d’une autre personne de vivre quelque part plutôt qu’ailleurs. Les personnes progressistes doivent être les premières à reconnaître cette légitimité.

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La question de la légitimité de la fondation de l’État d’Israël n’a aucun lien nécessaire avec les jugements que l’on peut porter sur la politique menée par cet État aujourd’hui, particulièrement vis-à-vis des populations palestiniennes avec lequel il interagit; pas plus que l’on ne se sent dans l’obligation, pour juger de la politique française aujourd’hui, de nous interroger sur la légitimité de la naissance de ce pays. Pourtant, plus de 70 ans après la fondation d’Israël en 1948, la légitimité de cet événement reste au centre des débats. Pour beaucoup, Israël est par nature – c’est-à-dire par naissance – une entité maléfique, et tout acte critiquable de son gouvernement est à interpréter à cette lumière. C’est ainsi que les partisans des droits des Palestiniens tendent-ils presque automatiquement à se déclarer anti-sionistes, ce qui veut dire, littéralement, qu’ils s’opposent à la fondation de l’État d’Israël et considèrent l’illégitimité de celle-ci comme pertinente pour leur action d’aujourd’hui; en somme, ils placent leur militance pro-palestinienne dans la perspective de la disparition de l’«entité sioniste». Cela ne va pas de soi; mais cela est ainsi, concernant Israël.

Une des conséquences de cet état de fait est, paradoxalement, d’abaisser la pression exercée sur le gouvernement israélien pour qu’il se conduise correctement vis-à-vis des Palestiniens: dès lors que la critique porte non sur mes actes mais sur mon existence, à quoi bon en tenir compte? Mais pire que cela: cette critique existentielle fait peser une lourde insécurité sur la population israélienne, sur son avenir dans ce pays voire sur sa survie physique, et ne peut en retour que justifier dans son esprit les réactions violentes envers les Palestiniens et le manque de compassion pour leur sort – lequel en aurait au contraire bien besoin. En somme, la contestation de la légitimité de la naissance d’Israël reste encore aujourd’hui un poison déterminant dans les relations entre Israël et le monde arabe, et un obstacle aux objectifs de toute personne désirant sincèrement améliorer la situation, en particulier, des Palestiniens.

La légitimité morale des réfugiés juifs

Paradoxalement, beaucoup parmi les personnes les plus militantes contre Israël se définissent comme de gauche, et soutiennent par ailleurs les droits des immigrés et des réfugiés qui tentent de fuir la persécution, la guerre et/ou la misère. Ces droits comprennent en premier lieu celui d’être accueillis, même lorsque cela implique un coût pour les populations autochtones lesquelles doivent accepter de partager leurs villes, leurs quartiers, leurs avantages sociaux, leurs emplois. On peut contester les discours de la droite qui présentent systématiquement l’immigré comme source de difficultés et d’appauvrissement, mais il faut aussi accepter que le devoir d’hospitalité ne se limite pas aux cas où il s’accorde à notre propre intérêt. Or la justesse morale et politique de la fondation d’Israël découle directement du droit des réfugiés à vivre quelque part en sécurité.

Les Juifs qui ont quitté l’Europe dans l’immédiat après-guerre, et rapidement aussi les pays arabes, pour fonder Israël, fuyaient un danger qui se présentait comme mortel. On ressent souvent le rapport entre l’Holocauste et la fondation d’Israël comme celui d’une réparation, voire d’une revanche; en réalité, Israël a été avant tout un instrument de survie, et ce n’est pas l’Holocauste en soi qui a causé la fuite des Juifs, mais ce que l’Holocauste a révélé, prouvé et exhibé: l’intensité et l’efficacité de la volonté antisémite exterminatrice qui régnait en Europe et ailleurs. Les camps ouverts et les Einsatzgruppen dispersés, les raisons de la fuite des Juifs n’avaient pas miraculeusement disparu.

Les Juifs d’Europe pouvaient raisonnablement s’estimer en danger mortel dans l’immédiat après-guerre. J’y reviendrai. La menace vitale à laquelle ils faisaient face leur donnait le droit de s’établir là où ils le pouvaient, pour survivre et vivre. Le droit de vivre n’est pas un absolu, mais il est fort; il ne peut s’écarter simplement parce que «cela ne nous arrange pas». De fait, ce droit est nié, aujourd’hui, par les peuples européens, qui n’acceptent qu’au compte-goutte, pour des raisons de convenance, les réfugiés victimes de guerres, de persécutions et/ou de pauvreté pour qui cet accueil ferait souvent la différence entre la vie et la mort. Le comportement actuel, criminel, des peuples européens est un fait; il n’annule pas l’existence du droit de vivre des réfugiés, et en particulier leur droit à obtenir les conditions de leur survie par la force.

Si une population de réfugiés fuyant un danger mortel exigeait de s’établir aujourd’hui en France, et choisissait face au refus des autorités françaises de s’approprier par la force, par exemple, le département où j’habite, me forçant à partir et à perdre peut-être ma maison, je n’en serais pas heureux. Je ne partirais peut-être pas de plein gré. Il n’empêche: quelles que soient nos difficultés, compréhensibles, à accepter nos obligations, je ne vois pas comment l’on peut refuser de reconnaître que le droit des personnes à vivre tout court doit l’emporter sur le droit des personnes à vivre là où elles sont à un moment donné établies.

La plupart du temps, les réfugiés sont en position de faiblesse, et leur droit à la vie est bafoué. Le cas des réfugiés juifs est l’exception: ils sont parvenus à imposer le respect de ce droit. On a l’impression que ce fait justifierait de les faire passer du statut de victimes dignes de compassion à celui de «peuple (...) sûr de lui-même et dominateur»[1]. Ainsi, le droit à la vie n’existerait que pour les personnes impuissantes à l’exercer!

La fondation d’Israël fut un acte de force; son résultat fut le déplacement d’une part importante de la population qui, auparavant, résidait en Palestine vers les zones voisines. Ce déplacement était contraire aux droits de ces populations elles-mêmes; la situation était celle d’un conflit de droits. Il n’y a pas à nier ou minimiser ce que les Palestiniens ont perdu à ce moment; le fait reste cependant que dans ce conflit de droits, ceux des Juifs étaient vitaux, ceux des Palestiniens ne l’étaient pas.

Notons tout de même que si depuis des siècles bien des Juifs mentionnaient à chaque Pâque «l’an prochain à Jérusalem», fort peu prenaient la peine d’y déménager; les «Juifs errants» réputés cosmopolites avaient autant d’attachement à leur maison, à leurs voisins, à leurs coutumes locales, à leurs paysages que n’importe qui, et erraient généralement seulement lorsque la violence les y poussait. Si bien des Palestiniens ont beaucoup perdu après la guerre, ce fut le cas aussi des Juifs qui les remplaçaient; les Palestiniens se retrouvaient à des dizaines de kilomètres de chez eux, les Juifs à des milliers, sous un climat qui leur était souvent étranger, obligés d’apprendre une langue nouvelle et de repartir à zéro, souvent seuls – leurs amis et leur famille ayant disparu dans la tourmente. Ce n’est pas à la légère qu’ils sont partis fonder Israël; c’est pour leur vie.

Le mouvement sioniste, fondé à la fin du XIXe siècle, avait pour motivation centrale la recherche de la sécurité pour les Juifs, et non l’idée d’un lien historique entre les Juifs et ce qui avait été la «Terre promise». En témoigne l’examen par ce mouvement d’autres options, comme celle d’un État juif en Afrique. Il n’empêche que d’autres motivations confluèrent, en particulier celle d’un tel «retour», et amenèrent une fixation sur le choix de la Palestine. Les Juifs européens, aussi, étaient des Européens; ils partageaient la vision, fortement marquée de colonialisme et de racisme, de leurs contemporains. L’expression «Une terre sans peuple pour un peuple sans terre» en est une traduction: de fait, la Palestine était bel et bien peuplée.

Les choses auraient pu mieux se passer. D’abord, les Palestiniens auraient pu accepter l’accueil des Juifs. Ce ne fut pas le cas. Ce refus était au moins en partie motivé par l’antisémitisme musulman; ce fait ne rend pas ce refus plus illégitime, par contre, il explique largement que la partie juive ait envisagé plus le déplacement des Palestiniens que la coexistence avec eux. Quoi qu’il en soit, rien ne justifiait les crimes de guerre qui furent commis contre les Palestiniens, dont Deir Yassin n’est que le plus connu[2]. Les Palestiniens déplacés auraient pu être, à leur tour, mieux accueillis par les pays arabes avoisinants; c’est là encore l’antisémitisme et le refus de principe qui en découle de la présence non soumise de Juifs en «terre musulmane» qui explique la fixation de ces Palestiniens dans des camps et une large part de leurs souffrances ultérieures.

Ni ces complexités, ni la dérive droitière de la population israélienne et de sa politique que l’on observe depuis maintenant deux décennies, ni le racisme anti-arabe, ni la politique de colonisation de la Cisjordanie et la brutalité du traitement des Palestiniens ne change le caractère fondamental de la fondation d’Israël, qui est celui de réfugiés luttant pour leur survie physique, lutte dont on ne peut contester la légitimité.

Mais on dira certainement que j’exagère lorsque je parle de survie physique pour les Juifs; car après la Seconde Guerre mondiale, Hitler avait été vaincu! C’est là, je pense, une question centrale qui explique une large part de l’hostilité envers Israël.

L’antisémitisme en Europe depuis la Guerre

En France, depuis plusieurs décennies maintenant[3], l’antisémitisme est officiellement banni; ceci tant par la loi, concernant son expression publique, que de fait dans l’esprit de la plupart de nos concitoyens. Cette situation peut suggérer que l’Holocauste était un événement historique isolé, né de la barbarie hitlérienne et du totalitarisme, et que la fuite des Juifs après la Guerre était donc injustifiée. Nous aurions été, pour l’essentiel, guéris de l’antisémitisme; toute parole (trop) explicitement antisémite est immédiatement condamnée, au nom de ce à quoi ça mène - aux crimes de Hitler, etc.

L’invocation de l’Holocauste pour condamner l’antisémitisme se veut forte, par l’horreur qu’elle suscite; paradoxalement, en se fondant ce sur à quoi l’antisémitisme mène, elle permet de faire l’économie de l’analyse et de la condamnation de ce que l’antisémitisme est. Condamnée comme dangereuse, la parole antisémite n’est jamais condamnée comme fausse. Cela permet qu’elle soit perçue comme vraie, ou peut-être (au moins un peu) vraie, mais inopportune et interdite. On s’est donc arrangé pour éviter toute critique sérieuse de l’antisémitisme. L’écrivain catholique Georges Bernanos, au lendemain de la Guerre, déclarait ne pas vouloir se dire antisémite, car ce terme, «Hitler l'a déshonoré à jamais»; ceci au sein d’un texte rempli de tropes antisémites[4]. Cela résume bien la situation, depuis soixante-quinze ans.

Dans la chronologie de l’antisémitisme en Europe, depuis la Guerre, il y a eu deux périodes: avant et après les premières années 1960 marquées par le procès d’Eichmann, l’interprétation qu’en a faite Hannah Arendt et le concile Vatican II.

Dans la première période, l’Holocauste était un sujet qu’on évitait. L’antisémitisme, par contre, se donnait libre cours, surtout en Europe de l’Est et en Russie, mais pas seulement. Nous percevons aujourd’hui la Seconde Guerre mondiale comme une lutte contre la barbarie nazie, raciste et antisémite, génocidaire; nous oublions qu’elle était d’abord vue à l’époque comme un combat classique entre nations. La victoire des Alliés était sur les puissances de l’Axe. La mise au grand jour des pratiques génocidaires des nazis a provoqué l’horreur, mais n’impliquait pas une condamnation générale de l’antisémitisme. En Pologne les violences antijuives du peuple pourtant meurtri par l’occupation nazie se sont poursuivies, avec en particulier le pogrom de Kielce où ont péri 42 Juifs sous l’œil complaisant de la police et avec l’approbation ultérieure des autorités catholiques. Il en alla de même en Ukraine, en Slovaquie, en Hongrie. L’Union soviétique adopta rapidement une position antisioniste, incluant sous ce terme un antisémitisme virulent[5]. En France, Pierre Mendès-France fut confronté à une hostilité antijuive constante et ouverte, jusqu’en 1958 et au-delà.

Le procès d’Eichmann a amené l’Holocauste sur les devants de l’actualité. Cela aurait pu forcer une prise de conscience. Cependant, celle-ci fut immédiatement neutralisée par l’interprétation qu’en a donné Hannah Arendt dans Eichmann à Jérusalem: la cause des crimes d’Eichmann, et de l’Holocauste en général, était selon elle le totalitarisme, voire la modernité. La «banalité du mal» serait un phénomène abstrait et général, ce qui évite bien de nommer ce phénomène concret et précis qu’est l’antisémitisme.

En somme, l’antisémitisme n’a jamais vraiment été confronté. Car mettre en cause l’antisémitisme impliquerait forcément de mettre en cause sa source, à savoir l’idéologie chrétienne. L’antisémitisme est au cœur du système de pensée chrétien; les Juifs sont ceux qui ont refusé le Christ, provoquant sa mort sur la croix. Et ils persistent à le refuser. Ce n’est qu’avec leur conversion, et donc leur disparition, que les conditions seront réunies pour le retour annoncé et tant espéré de Jésus. Ils sont, de ce fait, responsables de tous les malheurs du monde.

Le christianisme peut-il se guérir de l’antisémitisme? Les âmes chrétiennes sincèrement bonnes et désireuses de le faire ne manquent pas. Le pape Jean XXIII et le concile Vatican II ont purgé certaines des pires expressions de la liturgie et encouragé la fin de la haine antijuive. Il n’empêche: le problème est structurel. Le seul chrétien que je connaisse qui ait réellement fait face au problème est le pasteur William Nicholls, auteur de Christian Antisemitism: A History of Hate (1995); à la lecture de son ouvrage, on se demande s’il a pu rester chrétien, non tant en raison du récit des horreurs commises que de l’analyse fine qu’il fait de la présence nécessaire, durable, de la haine des Juifs au cœur du système de pensée chrétien. Essentielle aussi est la démonstration qu’il fait de la similitude structurelle entre le marxisme et le christianisme. Ces systèmes d’idées promettent tous deux une révolution: un Grand Soir au cours duquel le mal sera déraciné, laissant tout naturellement la place au bien. Tous deux souffrent d’une attente prolongée de cet événement miraculeux, de déceptions répétées, et de la tendance à chercher un bouc émissaire, le représentant concret du Mal. Pour le christianisme, il s’agit du Juif, identifié à l’argent; pour le marxisme, il s’agit du Capitaliste, identifié là encore à l’argent. L’identification si souvent constatée par les mouvements de «gauche radicale» du Capitalisme au Juif et la récupération des tropes correspondants n’est pas fortuite; l’investissement massif de cette «gauche» dans la cause palestinienne, et dans l’antisionisme et l’antisémitisme à peine déguisé en découlent logiquement.

Conclusion

L’Europe est, encore aujourd’hui, loin d’être guérie de l’antisémitisme; peut-être ne le sera-t-elle que lorsque le christianisme, et une certaine idée du progressisme comme attente du Grand Soir (la Révolution), auront perdu leur influence sur nos esprits.

Cependant, dira-t-on, il n’y a pas eu, après la Guerre, de grand massacre des Juifs comparable à ceux commis par l’Allemagne nazie. Plus de Juifs sont morts en Israël même, dans les combats et les attentats, que suite aux quelques pogroms et actes antisémites sporadiques commis en Europe pendant la même période. Cependant:

  • On ne sait ce qui se serait passé si, justement, les Juifs étaient restés en Europe. S’il n’y a depuis des décennies plus de pogroms en Pologne, par exemple, c’est peut-être simplement parce qu’on n’y trouve pratiquement plus de Juifs à massacrer.
  • Il s’agit d’un jugement rétrospectif. La légitimité de la fondation d’Israël est à juger en fonction de ce que l’on pouvait honnêtement penser et estimer à l’époque. Les perspectives en 1945 ne pouvaient pas paraître meilleures que celles qui, à la fin du XIXe siècle, avaient amené Herzl à prédire que les Juifs ne pourraient être durablement en sécurité en Europe; et les faits semblaient avoir entièrement confirmé sa prédiction.
  • Nous ne connaissons pas non plus l’avenir. La droitisation de l’opinion atteint aujourd’hui toute l’Europe et bien au-delà. Il est difficile de dire, encore aujourd’hui, que les Juifs sont durablement en sécurité en Europe.

Ma conclusion est que la fondation d’Israël fut un acte légitime, parce que les gens ont le droit de vivre et que ce droit est l’un des plus forts qui soient. Cette fondation était légitime malgré la perte et la souffrance qu’elle impliquait pour les populations non juives présentes antérieurement. Elle était légitime pour des raisons que les progressistes devraient facilement reconnaître comme leurs. Cette conclusion est indépendante des discours qui se sont développés des deux côtés sur un droit historique à une terre particulière, attachement souvent décrit comme sacré et lié à des considérations religieuses opposées. Je tiens ces discours-là pour réactionnaires et infondés. La terre est une ressource comme une autre, pour une large part fongible, et doit servir à qui en a le plus besoin.

Ajoutons, concernant la responsabilité des Européens: lorsqu’un individu, fuyant un assassin, se retrouve obligé de s’approprier la propriété d’un tiers, on comprend que ce tiers puisse s’en prendre au fugitif. Mais l’auteur du problème, le responsable de la dépossession, c’est l’assassin. S’il y a un responsable dans le conflit israélo-palestinien, ce ne sont ni les Israéliens, ni les Palestiniens: ce sont les Européens. On n’a pas le sentiment que beaucoup s’en rendent compte.

Le refus de reconnaître la légitimité d’Israël de la part d’une large part de la gauche ne peut s’expliquer, je pense, que par sa réticence à reconnaître la persistance profonde de l’antisémitisme au sein de nos sociétés, voire de sa propre pensée. Il y a là une sorte de négationnisme. Le négationnisme «traditionnel» veut nier ou minimiser l’Holocauste; mais nier l’insertion de l’Holocauste dans une histoire, celle de l’antisémitisme, ou nier la profondeur de l’enracinement de cet antisémitisme, c’est aussi un négationnisme, peut-être plus grave que l’autre parce qu’il imbibe l’esprit d’une large majorité de nos concitoyens. Ce négationnisme ne supporte pas l’existence d’Israël, parce que précisément, cette existence équivaut à une accusation: celle d’être, nous Européens qui nous croyons civilisés voire progressistes, des barbares. Nos antisionistes sont semblables à l’homme violent qui ne supporte pas que son ex-compagne le quitte parce qu’il est violent, ne supporte pas ce reproche et nie sa violence, entre en colère et reconfirme précisément ce qu’il nie.

Il serait grand temps de cesser de délégitimer la fondation d’Israël. Il y a assez à dire de la politique israélienne, à l’intérieur comme à l’extérieur; de la politique et de l’attitude aussi des Palestiniens et du monde arabe et musulman en général. Les discours sur l’origine d’Israël n’apportent rien au débat. Mais ils continueront à se faire, avec insistance. En soi il s’agit là d’un trope antisémite. On a toujours rapporté les reproches réels ou imaginaires qu’on voulait faire contre des Juifs à leur nature supposée, à leur naissance collective en tant que «peuple déicide». Qu’on en finisse avec ces absurdités! Non seulement la grande majorité des Israéliens actuels habitent-ils le pays où ils sont nés, mais le «crime originel» n’en fut tout simplement pas un.

Notes

[1] Expression de de Gaulle, conférence de presse du 27 novembre 1967.

[2] De tels crimes furent commis par les deux parties; on en trouvera facilement la liste sur Wikipedia. Les uns ne justifient pas les autres.

[3] En principe, depuis le décret-loi Marchandeau (1939). Celui-ci fut abrogé par Vichy et rétabli au lendemain de la Guerre, mais peu appliqué pendant un bon moment.

[4] https://www.liberation.fr/tribune/2...

[5] Robert S. Wistrich, «Anti-Semitism in Europe Since the Holocaust», The American Jewish Year Book, vol. 93 (1993).