Il faut bien un premier billet

En fait, j'ai presque terminé d'écrire le billet qui devait être le premier. Mais il est long. Un premier billet doit être court. Celui-ci remplace donc l'autre.

J'ai déjà un site, que je néglige beaucoup et que je voudrais faire revivre. C'est que j'ai le projet d'écrire pas mal de choses, sur des questions assez diverses. Ce blog me servira un peu de laboratoire.

Je veux aussi ici parler du sujet de ce billet qui sera, donc, le deuxième: le christianisme et son influence néfaste sur nos manières de voir. C'est un sujet qui reviendra souvent, et je dois dire deux mots sur la façon dont je conçois une telle critique.

Je voudrais qu'on puisse critiquer les religions comme toute autre idée. On peut être de gauche ou de droite, pour ou contre les OGM, la réforme du rythme scolaire, le capitalisme, le spécisme, on peut croire ou non que la Terre est plate... On peut se fâcher pour ces idées. Elles font souvent, au moins un peu, partie de notre identité, de ce que nous ressentons comme notre identité. Malgré cela, la discussion sur ces sujets est jugée légitime. En contraste, l'attaque contre la religion en général, et encore plus contre une religion particulière, est vécue comme une remise en cause illégitime de la personne elle-même. Dire en particulier, comme je souhaite le faire, que le christianisme représente une erreur et qui plus est a une influence gravement néfaste sur notre culture est vu comme une ingérence illicite dans le droit des gens de penser ce qu'ils veulent.

Les gens peuvent, peut-être, «penser ce qu'ils veulent»[1], dans ce domaine comme dans d'autres. Cependant, ce qu'ils pensent dans ce domaine a de grandes conséquences pour la chose publique. L'influence du christianisme est profonde. On l'a vu lors des débats sur le mariage homosexuel: la certaine «anthropologie» mise en avant par l'Église pour justifier son opposition est fondée sur sa propre vision de l'être humain. Mais citons aussi: le statut des animaux non humains, qui est ce qu'il est parce que le christianisme l'a voulu; notre vision de l'éthique, fortement imprégnée du déontologisme chrétien; notre difficulté à penser l'avenir du monde (humain et non humain) à long terme, et en particulier à prendre au sérieux des questions écologiques pressantes, parce que Dieu pourvoira à nos besoins (Luc 12, par exemple) et surtout parce que Jésus reviendra bientôt. Notre sentiment d'identité personnelle, notre vision de l'altruisme et la peur de la mort sont aussi, je le crois, profondément et péniblement influencés par le christianisme[2].

Certains parlent facilement de christianophobie. Ce terme a été forgé en miroir à celui de judéophobie, ancien nom de l'antisémitisme. Or l'antisémitisme, a-t-on décrété après Auschwitz, c'est mal, et donc interdit, et donc la judéophobie aussi. Donc la christianophobie aussi doit être bannie! Cela peut sembler logique, tant qu'on s'en tient à la forme, en oubliant opportunément le contenu. Or ce qui était et reste mal dans la judéophobie, ce n'est pas qu'elle critique une religion, c'est qu'elle la critique d'une manière structurellement meurtrière.

Ce n'est pas le lieu de développer cela. Rassurons simplement les chrétiens: je ne veux pas les attaquer personnellement. Personne ne veut leur mort. Je ne souhaite même pas tellement les convaincre; ce serait déjà un grand progrès à mon sens si l'influence du christianisme sur les esprit se limitait aux seuls chrétiens.

Notes:

[1] L'expression est pourtant très impropre; voir à ce sujet ma conférence «Sommes-nous les talibans de la cause animale?» aux Estivales de la question animale 2013. L'idée même selon laquelle croire est un acte de volonté est d'origine, je pense... chrétienne.

[2] Voir à ce sujet mon article «La personne et le tunnel de verre».